ADRESSES AUX FEMMES DE TOUTES LES NATIONS
Le 20 août 1870, au lendemain des défaites de l'été, des Françaises adressent une supplique aux "femmes de toutes les nations", allemandes tout particulièrement. Gallica met en ligne le texte de cet appel à la paix écrit plus de quinze jours avant l'appel de Victor Hugo au peuple allemand. Entre les deux textes, le désastre de Sedan a sonné le glas de l'Empire et la République a été proclamée.
Si le contexte est différent et autoriserait à déclarer "défaitistes" les signataires de l'adresse des femmes parce que leur texte présume du désastre non encore accompli, le contenu des deux documents est du même ordre. Il s'agit dans les deux cas d'une invitation à libérer les peuples de la guerre et de l'oppression. Hostiles à l'Empire, les femmes du 20 août s'engagent, au nom de la France, à déchoir le gouvernement de l'empereur. Si Hugo ne fait pas semblable promesse, c'est parce que la déchéance appelée par ses compatriotes femmes est accomplie au moment où il écrit.
Pour le reste, quelle différence ? Les Françaises "conjurent" leurs homologues au nom de la civilisation et pour sauver Paris, "la ville sainte, le coeur de l'humanité (...) la Rome des temps modernes que le monde entier écoute et contemple". A cette proclamation fait écho le texte de Victor Hugo pour qui Paris est à tous, "la ville des villes", celle où "l'on sent le battement du coeur de l'Europe [...] Il y a eu Rome et il y a Paris". Les auteures de l'adresse du 20 août préviennent : "ceux qui l'envahiront (Paris) seront appelés barbares par l'Histoire". De même, pour Victor Hugo, "sauver Paris, c'est sauver le monde" !
Aucun de ces textes n'eut d'impact sur le sort de la guerre. Les Françaises comme Hugo ne furent pas entendues. Les signataires de l'adresse aux femmes moins encore que l'illustre écrivain. A cause du contexte peut-être ? Parce que la signature de ce dernier, surtout, pesa bien davantage que celles moins renommées des premières. A ce propos, la référence imprimée du texte des Françaises mise en ligne par Gallica ne fournit pas les noms des signataires. C'est dommage. Si un lecteur de ce message sait où trouver cette information, puisse-t-il nous la transmettre ! D'avance, merci.
[PS du 4 mars 2018] Selon l'inscription manuscrite inscrite sur l'exemplaire de L'adresse aux femmes mis en ligne par Gallica, le document a été donné à la BNF par la philosophe et scientifique française Clémence Royer. En atteste la comparaison de la signature avec celle apposée au bas du récipissé de décoration de la légion d'honneur attribuée à madame Royer en 1900. Clémence Royer se dit "auteur" (semble-t-il) du texte. Le recensement des écrits de Clémence Royer établi en 1984 par Geneviève Fraisse (Clémence Royer. Philosophe et femme de sciences, Paris, La Découverte) ne le retient pourtant pas. Oubli ou autre explication ? La question reste ouverte.
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