LA COMMUNE INTERDITE (DE LAURENS A DEBAT-PONSAN)
La loi de décembre 1871 interdidait la diffusion de toute représentation de la Commune (Voir Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans images ?). Mais les peintres ont su contourner le problème en travaillant par analogie, un procédé qui rend l'intention de l'artiste totalement illisible aujourd'hui, mais qui n'échappait guère aux contemporains. Deux exemples permettent d'illustrer cette manière de contourner la loi.
Au Salon de 1875, Jean-Paul Laurens présente L'interdit. A travers le silence provoqué par la condamnation éponyme, l'artiste dénonce l'intolérance religieuse et le pouvoir mortel dont disposait l'Eglise au Moyen-âge. La même intolérance que l'anticléricalisme des Fédérés ? Rien n'interdit de le penser ; mais Laurens ne désignait-il pas tout autant la loi des vainqueurs qui entendait imposer l'oubli de la semaine sanglante ? Quatre ans après le drame dont les stigmates sont encore visibles dans Paris, difficile de croire au hasard.
Cinq ans plus tard - en 1880 - Edouard Debat-Ponsan réalise Un matin, devant la porte du Louvre. La référence au massacre de la Saint-Barthélémy ne fait aucun doute. Mais comment un artiste républicain, ancien combattant de la guerre franco-prussienne, ne songerait-il pas à un autre matin, devant les portes du Père-Lachaise, quand les bourgeois de Versailles venaient se rassurer en plaisantant devant le cadavre des Fédérés ?
Anonyme, Plaisanteries devant le cadavre d'un communard, huile sur toile, 1871