LA NON-REPRESENTATION DE LA GUERRE DE 1870
La guerre de 1870 a donné lieu à une importante production d’œuvres picturales se donnant pour vocation de la représenter. À ce jour, le recensement des œuvres françaises et associées permet d’en dénombrer au moins 892[1]. 80% d’entre elles datent d’avant 1900, la période la plus dense de création renvoyant aux années 1870-1875. Cette imposante production témoigne de l’impact de l’évènement sur la société qui créé, commande ou admire ces tableaux. Dans leur écrasante majorité, les artistes concernés ont vu la guerre de près comme soldats, gardes nationaux ou simples témoins. Dans ce contexte, les spécialistes de la peinture militaire n’ont pas eu le monopole du sujet. Celui-ci a inspiré des peintres aussi différents que Carolus Duran, Jean-Baptiste Corot, Edgar Degas, Gustave Doré, le Douanier Rousseau ou Pierre Puvis de Chavannes.
A contrario, bien que témoins, beaucoup n’ont rien peint qui y fasse référence. Désintérêt pour la peinture militaire, un genre se situant à des années lumière de leurs préoccupations artistiques ou indifférence pour le sujet ? De telles raisons suffisent souvent à éclairer le silence de ces artistes. D’autres explications jouent toutefois, qui soulèvent quelques questions. Le refus de peindre la guerre est-il forcément la marque d’un manque d’intérêt pour le sujet ? Jusqu’à quel point y a-t-il de la part des « silencieux » une non-représentation de celui-ci ? Ne peut-on imaginert, à la manière de Gambetta, que nombre d’artistes qui ne peignirent jamais la guerre, y pensaient quand même ? Pour répondre, il faut faire la part de situations fort différentes. L’analyse de quelques cas parmi les mieux connus permet de distinguer quelques approches types qui vont de la non-représentation volontaire au déni en passant par des faux silences.
[1] Voir le Répertoire des représentations picturales de la guerre de 1870 sur Mémoire d’histoire, 11 janvier 2022.