LE LIEUTENANT MIMILE, COMBATTANTE OUBLIEE DE 1870
Face à la guerre de 1870 et à l’invasion prussienne, les femmes se sont particulièrement engagées dans la lutte. Elles ont assumé les charges de l’approvisionnement des familles, soigné les blessés, soutenu les combattants, cousu les uniformes et la toile des ballons, fabriqué les cartouches, fait du renseignement, pris le fusil parfois. Quelques-unes ont revêtu l’uniforme et combattu comme soldat à part entière : Marie-Antoinette Lix, Marie Favier et Jane Dieulafoy sont les plus connues d'entre elles. La mémoire d'Émilie Schwalm, absente de Les femmes et la guerre de 1870 ! a moins bien résisté à l'usure du temps. Son histoire n’est d'ailleurs pas facile à reconstituer. Les témoins qui ont raconté leurs souvenirs du siège de Neuf-Brisach (Charles Risler ou Valentin Durhone) ou celui de Belfort (Doll, Mény, Prinsac, Josset, Paul Dreyfus ou Belin) n’en disent rien. Jusqu’à preuve du contraire, la mémoire de son histoire n’apparait que dans la presse, entre 1901 à l’occasion d’un banquet donné à Belfort pour le trentième anniversaire de la reddition de 1871 et en 1913, année du décès de l'intéressée. Ces publications permettent malgré tout de se faire une petite idée de son action.
Née en 1846 à Belfort, la jeune femme a 23 ans quand éclate la guerre. Présentée comme étant bonne cavalière, adroite au tir et parlant parfaitement l’Allemand, elle veut y participer à l’égal de son frère Léon, incorporé au 9e cuirassier qui se fait décimer lors de la bataille du 6 août à Woerth. Dès le mois d’août, Emilie s’engage aux francs-tireurs des Vosges de Mirecourt[1] et, selon la version courte de son histoire, elle combat habillée en homme, parmi les hommes qui auraient ignoré son travestissement. Finalement dénoncée comme femme sous l'uniforme, elle renonce à s’exposer, ouvrant dès lors une ambulance à son domicile où elle soigne les malades de la variole et les blessés pendant le siège.
En croisant les informations données dans la presse en mars 1901 et, dix ans plus tard, dans celles de L’Alsacien-Lorrain de Paris et des départements, français et annexés, du 30 juillet 1911, il apparaît toutefois qu’Emilie Schwalm aurait obtenu du général Crouzat l’autorisation d’intégrer les volontaires de Mirecourt (commandement du capitaine Ernest Bastien) sous réserve qu’elle accepte le grade de lieutenant, non pour ses mérites militaires qui restaient encore à prouver, mais pour être « plus facilement respectée par les hommes ». Le capitaine Bastien la présente donc à ces derniers comme étant leur nouveau lieutenant, le lieutenant Mimile. Elle est alors « vêtue de la vareuse bleue et du chapeau garibaldien ».
Avec son unité, elle rallie Neuf-Brisach et participe à la défense de la ville jusqu’au moment où, à la veille de la capitulation (26 septembre), le lieutenant-colonel de Kerwell, commandant de la place, écrit au capitaine Bastien : « J’apprends qu’une dame dont l’héroïsme et les sentiments belliqueux s’est jointe aux francs-tireurs de Mirecourt pour combattre les ennemis de la France. Malgré le noble rôle qu’elle est appelée à remplir, je me trouve dans la nécessité de vous faire connaître que les dangers que la compagnie va courir ne me permettent pas d’autoriser à en faire partie plus longtemps ». Emilie Schwalm, qui veut poursuivre la lutte, se voit alors confier mission de porter des dépêches écrites et verbales au général Cambriels à Belfort. Avec – entre autres – la complicité de cheminots de Colmar, elle parvient à franchir les lignes prussiennes et à atteindre son objectif. Enfermée dans Belfort, elle reçoit encore mission comme combattante de mener des opérations de reconnaissance du chemin de fer jusqu’à la Hardt.
Lors de la reddition de Belfort, elle est inscrite d’office comme soldat au 1er bataillon du 16e régiment de marche des Mobiles du Rhône et fait partie de la 1ère colonne d’évacuation. Pour éviter d'être prise, elle fait à pied la route de Belfort à Grand-Lemps (Isère), (350 km en passant par la Suisse) où elle fut démobilisée. En 1873, elle épouse M. Hobitz qu’elle avait soigné dans son ambulance pendant le siège.
Entre temps, une polémique sur l’indiscipline des Francs-tireurs de Mirecourt a éclaté. Leur comportement pendant le siège de Neuf-Brisach et leur indiscipline sont dénoncés. En mai 1872, le capitaine Bastien défend sa compagnie devant le président de la commission d’enquête sur la capitulation de la place : « Les francs-tireurs de Mirecourt ont pris une large part à la défense de la place », écrit-il « ils ont occupé jusqu’à la capitulation conclue les postes avancés, en dehors des glacis et dans l’intérieur de la place, ceux que l’autorité considérait comme les plus importants. Ils ont fait partie de toutes les sorties, et chaque fois engagés comme tirailleurs, ils avaient ainsi l’honneur d’être les premiers au feu. Plus de la moitié de la ville de Neuf-Brisach a été détruite par l’artillerie ennemie, et quand les incendies étaient allumés par le bombardement le plus violent, nous restions au milieu des projectiles, à éteindre les flammes et à sauver les objets précieux des malheureux habitants. » A travers ces lignes, il y a moyen de savoir comment le lieutenant Mimile a pu concrètement participer à la guerre.
[1] Habitant de Colmar, Julien Sée est le seul témoin que nous ayons trouvé qui dit son sentiment concernant cette unité qu’il voit passer en date du 27 août : « Ils sont environ 45. Tournure martiale. Ils ont l’air d’anciens soldats et le sont la plupart. Quelques-uns décorés. Leur arme est le chassepot. D’où viennent-ils ? De Mirecourt. » Sée, Julien, Journal d’un habitant de Colmar (juillet à novembre 1870), Paris, Berger-Levrault, 1884 ; p.89.