TEST GOOGLE-IMAGES BIS : des mémoires européennes différentes
Suite au test "google images" sur les mémoires régionales de la guerre de 1870 réalisé début avril 2021, j'ai interrogé le moteur de recherche en quatre langues différentes pour voir si la mémoire du conflit franco-prussien s'y exprimait de façons distinctes et représentatives. J'ai choisi de confronter "Mémoire Guerre 1870" à des requêtes équivalentes en Anglais, Allemand et Italien (des langues de pays plus concernés que les autres par le sujet). Les résultats de l'expérience réalisée le 29 avril 2021 ne sont pas sans intérêt.
En version française, la première image a été la couverture du livre collectif sur les mémoires régionales paru en 2019 (image ci-dessus). C'est un résultat logique, provoqué par l'emploi du mot "mémoire" dans la requête. Sur les vingt premières images distinctes, sont apparues : 12 couvertures (livres et colloques dont 7 à la faveur des 150 ans d'anniversaire du conflit), 6 tableaux ou gravures et 2 monuments. Cette réponse semble plaider en faveur d'une approche historiographique de la question. Elle est toutefois trompeuse, très dépendante d'une année de célébrations qui ne se renouvellera pas. Cette influence des 150 ans pollue l'exercice qui devrait donner d'autres résultats (plus pertinent ?) dans l'avenir. Décevant, ce premier test confirme la fragilité de l'exercice et la nécessité de le renouveller dans le temps pour fournir des informations exploitables. Dans le cadre de la comparaison, en revanche, le test est plus concluant.
La requête « Erinnerung Krieg 1870 » a en effet produit des résultats moins axés sur l'anniversaire même si celui-ci n'est pas ignoré. Sont apparus : 5 couvertures de livre (3 témoignages + 2 livres historiques), 5 hommages (2 monuments, 1 médaille, 1 gravure patriotique et 1 portrait de général prussien), 5 tableaux (3 de Neuville, 1 de Castellani et 1 gravure allemande), 3 documents (1 photo, 1 gravure, le fac-simile d'une annonce de la proclamation de l'Empire, voir ci-contre), 1 paysage (Gravelotte aujourd’hui) et la photographie du Prof. Dr. Ulrich Pfeil (historien). Outre le caractère varié des réponses, ce qui domine ici, ce sont plutôt les hommages et témoignages. L'exercice réserve toutefois une surprise : les références artistiques renvoient à 4 œuvres majeures de la peinture française plutôt qu'allemande. Hommage aux talents des artistes concernés, grands maîtres de la peinture militaire, ou appropriation d'oeuvres traduisant bien l'héroïsme des combattants des deux camps ? La question est ouverte.
Moins directement concernés, les Anglais (ou anglophones) n'ignorent pas le sujet mais la chaîne « Memory war 1870 » a plus mis l'accent sur l'historiographie savante. L'ouverture sur la couverture du livre de Karine Varley (historienne spécialiste de la guerre de 1870), et son titre (Under the shadow of defeat) est en soi une belle synthèse de la mémoire d'Outre-Manche exposée en la circonstance. Avec les images de 4 monuments (le lion de Bartholdi et les monuments aux morts d'Indre et Loire, Marseille et Montreuil-sur-Mer), 6 tableaux (venant de cinq spécialistes, trois Français et deux Allemands à savoir Meissonier, Dumarescq, Morot, Hünten et Sell) et un montage de six oeuvres maîtresses, l'hommage domine (11 images sur 20). Avec 4 couvertures d'études (livres ou colloques) et 4 documents, la place faite à l'analyse savante (8 images) n'est cependant pas négligeable. La dernière image est une photo de la porte de Neuilly au début de la Commune. Bien que l'intention n'existe pas, cette image fait le lien entre la guerre et l'insurrection.
L'engagement des volontaires garibaldiens dans le conflit invite à interroger Google-images en Italien. Le résultat de "memoria guerra 1870" ne s'est toutefois pas avéré concluant, sauf à considérer l'échec comme une pertinence en soi. Sur les 20 premières images, 8 sont hors-sujet... par rapport à la guerre franco-prussienne, car elles font références à des guerres (de Sécession, du Paraguay, d'Espagne ou de 1914). Dans ce cas, le choix des mots composant la chaîne de requête pose problème. Sinon, avec 12 images d'oeuvres d'art (1 sculpture, des tableaux, esquisses, dessins ou reproductions d'oeuvres d'Edouard Detaille, Aimé Morot, Alphonse de Neuville ou Meissonier), la mémoire artistique domine. On se gardera cependant de conclure que ce résultat est révélateur d'un public cultivant le bon goût. Le but de l'expérience n'est pas d'encourager la diffusion des poncifs.