VOYAGES AUX SALONS DES ARTISTES
Les revanches symboliques de Mario Proth (1875-1878)
L’Année terrible (1870-1871) a marqué les esprits en France et les artistes ont aussitôt traduit le traumatisme collectif en nouvelles, chants, poèmes, dessins, peintures, gravures ou sculptures. Le Salon des Artistes de 1872 en témoigne : près d’une centaine d’œuvres (92) font référence à la guerre franco-allemande, à des souvenirs alsaciens ou à la Commune. Sur un total de 2067 pièces, ce nombre (4, 45 % du total) peut paraître dérisoire ; mais ramené aux œuvres picturales faisant sujet d’histoire, celles traitant du conflit franco-allemand représentent 75 % de celles-ci, une proportion inédite et qui ne sera jamais égalée. Pour ne pas contrarier l’occupant allemand, 70 de ces œuvres sont retirées de l’exposition, une procédure de censure qui témoigne des tensions que le souvenir de la guerre entretient encore.
Entre 1872 et 1875 (et même au-delà), la représentation de la Commune disparait. La loi impose le silence sur le sujet. Celle de la guerre contre l’Allemagne baisse (64 % des sujets historiques, soit onze points de moins que l’année précédente), mais le sujet reste dominant. Des œuvres emblématiques comme Les Dernières cartouches (1873), Gloria Victis ou La charge du 9e cuirassiers à Morsbronn (1874) montrent que la blessure est encore mal cicatrisée, que la volonté de reconstruction d’un pays en proie à une bataille constitutionnelle (1873-1875) puis parlementaire (1876-1879) ne laisse personne indifférent. Mais comment les souvenirs de l’Année terrible tels qu’ils s’exposent sur les cimaises ou le socle des sculptures peuvent-ils être les reflets des débats politiques du moment ? Les comptes-rendus des salonniers publiés dans les quotidiens et revues spécialisées sont l’occasion pour certains chroniqueurs de lancer des petits coups de patte militants qui n’échappent pas aux contemporains. La plume de Mario Proth en donne un bon exemple. Écrivain et critique littéraire, Ernest (dit Mario) Proth (1832-1891) rend compte dans la presse de ses visites au Salon des Artistes de 1875. Au service des amateurs, il décide de compiler ses commentaires dans un livre qu’il intitule Voyage au pays des peintres.[1]Il réitère l’opération les trois années suivantes, sous titrant le dernier volume Salon universel de 1878 par référence à l’Exposition universelle qui se tient cette année là à Paris. En quoi, sous couvert de chroniques d’art, ces textes sont-ils l’expression des querelles de l’époque ?
Le déclin des arts et du Salon
Un discours très convenu de Mario Proth ; le soutien aux jeunes artistes de L'Union comme Auguste Lançon.
Une lecture républicaine des œuvres
Proth ferraille plus avec ses adversaires politiques qu’il ne se penche sur le travail des artistes. Le contexte y prédispose. La France n’en a pas fini avec la bataille qui doit décider du régime du pays.
Au service d’une revanche symbolique
« Écrasée, humiliée, abandonnée, bafouée, niée, tenue pour morte en 1871, la France a réussi en 1878 ce qu’ont manqué en 1873 la monarchie autrichienne, en 1876 la république américaine. Vaincue hier par le gigantesque effort d’une haine séculaire, la France aujourd’hui a vaincu par l’irrésistible élan de la fraternité. […] Ayant gagné la bataille du progrès, elle dicte l’ultimatum de l’avenir : Travail et Paix. Par ce prodigieux relèvement, la Révolution française est justifiée, garantie. 1870 a vu son épreuve. 1878 a vu son apothéose. »
L’analyse des comptes-rendus de Mario Proth montre comment un militant transforme une chronique artistique en champ de bataille politique.
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[1] Proth, Mario, Voyage au pays des peintres. Paris, Henri Vaton, 1875 ; 107 pages.