MEMOIRE DE LA BATAILLE DE SEDAN
Le 1er septembre 1870, le désastre s’abat sur Sedan. Sous le commandement du maréchal de Mac-Mahon, l’armée de Chalons se fait enfermer par sa rivale allemande entre la Meuse et la frontière belge. Le bilan est dramatique : 3 200 soldats français tués, 14 000 blessés, 75 000 prisonniers. Napoléon III rend son épée, le régime impérial s’effondre. La France ne se relèvera pas de cet échec. De « promenade militaire » qu’elle devait être, la guerre franco-prussienne se termine six mois plus tard par une défaite totale. En 1871, au triste jour anniversaire de la bataille, la ville rend hommage aux victimes. Sous les voûtes de l’église Saint-Charles dont il est le curé, l’abbé Dunaime fait oraison. C’est la première d’une longue série d’hommages énoncés entre 1871 et 1883. Six d’entre eux[1] ont fait l’objet de publications. Qu’en ressort-il ? Comment l’orateur fait-il mémoire des victimes au fil des années ? Après le recueillement lié au deuil (1871), les discours s’organisent par périodes dont les frontières sont difficiles à établir. Les couples 1872-1873 et 1874-1875 arrêtés ci-dessous le sont sur la base des vœux exprimés par l’orateur plutôt que certains aspects formels qui justifieraient d’autres découpes. Assumons le choix adopté dans la mesure où les différences qui émaneraient d’une autre périodisation pèseront peu sur les résultats d’un travail visant à illustrer le processus d’utilisation des souvenirs et de l’histoire à des fins de mémoire[2]
Les cérémonies au cours desquelles l’abbé Dunaime prononce ses oraisons se tiennent chaque année en l’église Saint-Charles Borromée de Sedan. À chacun des anniversaires, la même atmosphère de recueillement s’observe : dans la ville « silencieuse », parée de drapeaux en berne ou voilés de « crêpes funèbres », une même « foule compacte » se presse vers l’église où de « vastes tentures » interceptent la lumière et où se dresse un « catafalque ».
Pour le premier anniversaire de la bataille, Dunaime commence son oraison en évoquant le roi David, vainqueur de Saül. La référence peut surprendre, David étant dans une position inverse de celle de la France vaincue huit mois auparavant. Mais l’orateur la justifie en faisant valoir l’exemple du roi-combattant qui prend le temps de se tourner vers son Seigneur avant d’aller assumer les charges que lui confère sa victoire. Ce rappel des devoirs spirituels du prince avant sa prise de fonction n’est pas surprenant de la part d’un ecclésiastique de 1871. Il est une manière de lier pouvoir spirituel et pouvoir temporel, lien qui permet de présumer des convictions politiques du prélat. Ce dernier, toutefois, n’insiste pas. La suite de son discours...
1872-1873, la Restauration en jeu
1874-1875, la redistribution de la gloire
1883, la mémoire d'une France éternelle
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[1] Dunaime (abbé), Premier anniversaire de la bataille de Sedan : discours prononcé, le 1er septembre 1871, dans l'église Saint-Charles de Sedan. Impr. de Laroche (Sedan), 1871. Disponible sur Gallica. Même référence et disponibilité pour les discours des années 1872 à 1875 et 1883.
[2] Définitions des mots tels qu’ils seront utilisés dans l’article : le souvenir est le savoir personnel d’un témoin obtenu par le biais de ses sens, une source de première main mais fragile et volatile ; l’histoire est un récit de reconstitution établi à partir de traces dont l’authenticité est vérifiée et vérifiable, une source de seconde main toujours révisable sur la foi de nouvelles données ; la mémoire est un savoir construit sur la base d’informations sélectionnées, une source tournée vers le passé en vue de rendre hommage à des personnalités, ou vers le futur à fin de faciliter la réalisation d’un projet.