ASTERIX LE GAULOIS, GORIA VICTIS !
En 1870, la France subit une humiliante défaite. Le besoin de se reconstruire se fit vite sentir. Interprète magistral de celui-ci, Antonin Mercié présenta dès 1874 une sculpture qui devient emblématique du processus national de résilience en cours. Tout est dans son nom : Gloria Victis.
Dans le même temps, la recherche d’une revanche sur le mauvais sort favorisa la construction d’une image positive de la France. Beaucoup de Français ressentaient alors le besoin de s’identifier à des héros. L’histoire de France d’Ernest Lavisse, leur en proposa toute une panoplie parmi lesquels émergeaient ceux qui, bien que vaincus, avaient su résister à un envahisseur : Jeanne d’Arc, Bayard, Napoléon… et Vercingétorix, bien sûr, pas vraiment Français mais déjà naturalisé !
Né en 1852, Lionel Royer est un de ces artistes français qui avait participé à la guerre franco-prussienne. Il en gardait un souvenir douloureux. En 1899 – en pleine affaire Dreyfus – il choisit de mettre en scène Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César. Ce tableau parle du lointain passé, mais pas seulement. Il porte l’empreinte de la guerre franco-prussienne. Derrière le chef Gaulois déposant ses armes aux pieds de Jules César, Royer – et son public, les commentaires de l’époque en attestent – pensai.en.t à la France cédant devant l’intransigeance du Kaiser Guillaume de Prusse. Si l’artiste traitait de 52 avant J-C, il parlait aussi – surtout ? – de la capitulation de 1870-1871. C’était sa manière de maintenir vivant le souvenir de la défaite, que ses compatriotes n’oublient pas…
En 1959, René Goscinny et René Uderzo publient Astérix, le Gaulois, premier album d'une série promise à un monumental succès éditorial. Ils introduisent leur récit par l’évocation de la reddition d’Alésia. [Elle est reprise dans Le Bouclier Arverne en 1968]. Uderzo s’empare alors du tableau de Royer pour en proposer une version pastichée. Simple retour aux sources de l’histoire pour les deux humoristes qui n’entendaient pas faire référence à 1870 ? Certes, mais leur choix eut d’autant plus d'impact qu’il faisait vibrer une petite corde bien française. Au-delà de l’image des Gaulois ripailleurs, bagarreurs et hâbleurs, la gloire des vaincus implicitement irréductibles restait une conviction fortement ancrée dans l'esprit des Français. Sa vitalité se lisait d'ailleurs dans la popularité de Raymond Poulidor, héros glorieux du Tour de Gaule (de France), bien plus que Jacques Anquetil !
La mémoire collective a ses pérennités que la conscience ignore.