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Mémoire d'Histoire
17 mars 2019

HOMMAGE AUX COMBATTANTS DE LA COTE D'OR ET A VICTOR CURTAT

Prise du drapeauLa bataille de Dijon des 21-23 janvier 1871 – l’une des dernières de la guerre  fut l’occasion d’une des rares prises d’un drapeau ennemi par une unité française, laquelle fut rapidement immortalisée par des tableaux de peinture militaire. Historien, spécialiste de la guerre de 1870 pour la Savoie, Didier Dutailly rappelle l’affaire :

« Nous sommes le 23 janvier 1871. La scène se passe au nord de Dijon, à 200 mètres de la route de Langres à Dijon. Là, au milieu d’une petite plaine un peu morne, s’élève un bâtiment, solitaire, l’usine Bargy, fabrique de noir de fumée. Les murs d’enceinte ont été percés de meurtrières. Les abords de l’usine sont jonchés de cadavres prussiens. La mitraille claque et crépite sans arrêt depuis le début de l’après-midi. Les Francs-tireurs du Mont-Blanc (Haute-Savoie) et les Chasseurs des Alpes (Savoie) constituent avec les Francs-tireurs de l’Isère l’essentiel des défenseurs de l’usine, devenue une sorte de point de résistance empêchant les Prussiens d’aller plus avant sur la route de Dijon. Léon Tappaz, capitaine commandant les Francs-tireurs du Mont-Blanc, raconte : « Le jour, déjà sombre, baisse encore, et la nuit approche ; ils [les Prussiens du 61e Poméranien] reculent peu à peu jusqu’à la chaussée (...) ils n’osent plus la franchir. (...) C’est à ce moment que le chasseur du Mont-Blanc Curtat, ouvrant la petite porte qui est à droite du bâtiment principal, se met à courir sous le feu de l’ennemi, trouve et arrache avec peine le drapeau sous le tas de cadavres qui le recouvre et revient rapidement avec le glorieux trophée. » Le jeune Victor Curtat – né à Annecy le 27 août 1852, il a 18 ans – vient de prendre le second, et dernier drapeau prussien enlevé à l’ennemi au cours de la guerre de 1870-1871, celui du 61e Poméranien. »[1]

Bloch, Le drapeau de Mars-la-Tour (1902)"Prise du second et dernier drapeau prussien", écrit Dutailly. Le premier cas remonte au 16 août 1870, enlevé à Rezonville (Mars-la-Tour pour les Prussiens) au 3e Westphalien par le sous-lieutenant Chabal. Alexandre Bloch mit en scène l'épisode dans Le drapeau de Mars-la-Tour (1902).

La mémoire de l’exploit accompli par Victor Curtat est inscrite sur un monument commémoratif érigé à Annecy. On peut y lire l’inscription suivante :

inscription

curtat

La municipalité de Nuits-Saint-Georges - autre site d’une bataille de la guerre - a conservé de l'époque trois photographies qui avaient vocation à rendre hommage aux hommes venus combattre les Prussiens en Côte d’Or. Elles sont la propriété du musée municipal de la Commune. Sur la première d’entre elles figurent un civil et neuf chasseurs des Alpes et du Mont-Blanc, francs-tireurs de la Haute-Savoie rattachés à la 4e Brigade de l'armée des Vosges (commandement Ricciotti Garibaldi). Parmi eux, le lieutenant Mogenier et le soldat Victor Curtat désigné par une inscription qui permet de donner un visage au « héros » du 23 janvier 1871.

Groupe de Chasseurs du Mont-Blanc, Francs-tireurs de la Hte-Savoie (1870)

La seconde photographie montre les officiers et sous-officiers des chasseurs des Alpes et du Mont-Blanc, qui se trouvaient sous le commandement du capitaine Michard. Même hommage aux  combattants, lequel donne un visage à un autre personnage de l’affaire du drapeau. Didier Dutailly raconte ainsi comment Curtat fut « dépossédé de son drapeau par les Isérois, furieux d’avoir été pris de vitesse par le jeune Savoyard. Ce sont eux qui remettent le drapeau au chef de la 4e brigade de l’Armée des Vosges, Ricciotti Garibaldi, le fils du condottiere. Et le père Garibaldi ne rate pas l’occasion de faire sa publicité. Il adresse immédiatement un télégramme au ministre Freycinet : « Notre quatrième Brigade a enlevé un drapeau à l’ennemi que je vous enverrai ». L’encyclopédie Wikipédia garde la trace de ce tour de passe-passe dans les termes suivants : « Garibaldi sortit victorieux de la bataille (de Dijon des 21-23 janvier 1871) tandis que Ricciotti s'emparait d'un drapeau du 61e régiment poméranien. » La gloire ne revient pas aux vainqueurs ni même aux vaincus – pour plagier Antonin Mercié –, elle reste à ceux qui racontent !

Officiers, s-officiers et chef de triade, des chasseurs des Alpes, francs-tireurs de la Savoie (1870)

Il y a ceux qui racontent et ceux qui s'efforcent de reconstituer les faits : les historiens. Non sans mal, ces derniers ont quand même eu le dernier mot grâce au témoignage de Justin Ledeuil d’Enquin (1891) et à leur travail de recoupement des informations. La vérité des faits s'est lentement mais sûrement rétablie et, en 1904, peu avant sa disparition, Victor Curtat reçut (enfin) la médaille militaire qu'il méritait.

La troisième photographie représente les officiers d’une autre unité extérieure à la Côte d’Or venue combattre dans la région : les Enfants perdus de Paris. Mais là, c'est encore une autre histoire...

Officiers du Bataillon de soutien de l'artillerie, Les Enfants perdus de Paris (1870)

 

Sources :

_____________________________________

[1] Dutailly (Didier), "Oubli et faussetés : l'étrange destin de Victor Curtat-Cadet", Le Bénon (Bulletin de la savante d'histoire du Genevois savoyard, La Salévienne, n°82 d’octobre 2013).

Ledeuil-d'Enquin (Justin), Les drapeaux prussiens des 16e et 61e régiments d'infanterie pris à Rezonville et Dijon : documents inédits, précédés d'une notice sur les trophées de guerre, Librairie militaire Edmond Dubois, Paris, 1891.

Musée municipal de Nuits-saint-Georges via la base Joconde

Wikipédia, "Les batailles de Dijon (1870-1871)".

 

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Commentaires
D
Merci pour cet article...que je ne peux critiquer !<br /> <br /> Le drapeau du 8e Poméranien régiment d'infanterie n° 61 a fait partie du lot repris par les Allemands en 1940. Ensuite ? (Il faut savoir que l'histoire de ce drapeau était très connue en Allemagne. On trouve par exemple des vignettes publicitaires des années 1930-1940 représentant la "version allemande" de la prise du drapeau).
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L
Merci pour cet intéressant article. serait il possible de connaitre l'origine des photos.<br /> <br /> Bonne journée<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> D Peyrot
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B
Ce drapeau est-il toujours au Musée de l'Armée ?<br /> <br /> <br /> <br /> Cordialement.
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Mémoire d'Histoire
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