LE PERE-LACHAISE EN MODE 1870
[1ère édition le 25 septembre 2018, billet mis à jour le 24 octobre 2020 et le 20 décembre 2022]
Le cimetière du Père-Lachaise est bien connu comme haut lieu des derniers combats de la Commune de Paris. Il est aussi un espace de mémoire du conflit franco-prussien dont la fin précipita l'insurrection du 18 mars 1871. Aux visiteurs, il offre pas moins de 85 occasions de se souvenir de cette guerre et d'en évoquer les différents chapitres. Mais inutile de chercher sur le plan proposé par la Conservation du cimetière. Exception faite de Nadar, qui peut être associé à la guerre de 1870 en tant que fabricant de ballons, aucune des 85 sépultures et des 23 monuments recensés sur ce plan ne renvoient à la guerre de 1870.
Au hasard des allées, mis en évidence ou perdus dans les recoins des différentes divisions, le promeneur peut ainsi y découvrir trois monuments aux morts de 1870-1871, quinze sépultures de combattants tués à l’ennemi ou morts de leurs blessures, quarante sépultures d’officiers ayant participé aux combats du moment ou s'y étant illustrés, vingt-deux sépultures de personnalités civiles ayant joué un rôle dans la guerre et au moins sept sculptures (en pied, en buste, bas reliefs...) et autres décorations. Nous ne passerons pas en revue ici chacun de ces points d'ancrage dans la mémoire de 1870. Ce serait long, fastidieux et, parfois, de faible intérêt. Contentons-nous de quelques stations incontournables pour ceux qui s'intéresseraient à la question. Elles sont principalement concentrées dans la moitié Ouest du cimetière, celle située du côté de l'entrée principale donnant sur le boulevard de Ménilmontant.
Le monument aux morts du siège de Paris (division 64). C'est le point de départ un peu obligé. Il fut élevé à la mémoire des soldats morts au combat pendant le siège de Paris. Le monument est constitué d'une pyramide au pied de laquelle figurent quatre statues en bronze représentant un Garde mobile (oeuvre de Camille Lefèvre), un artilleur (oeuvre de J.-B.-C.-E. Power), un fusilier marin et un soldat de ligne (oeuvres de Louis Schroeder).
Le monument des Gardes nationaux de la Seine tués au combat de Buzenval le 19 janvier 1871 (division 72, juste à côté du précédent). Ce combat fut la dernière tentative des assiégés pour percer les lignes allemandes. Les partisans de la poursuite de la guerre à outrance contre la Prusse accusèrent le général Trochu (responsable de la défense de Paris), d'avoir sciemment envoyé les Gardes nationaux à la mort pour mieux démontrer la nécessité de la capitulation signée dix jours plus tard.
La tombe du général Wimpffen (division 47). Cet officier dont le buste surmonte la sépulture est le dernier commandant de l'armée de Chalons enfermée dans Sedan avant que l'Empereur Napoléon III rende son épée. C'est la raison pour laquelle le nom de "Sedan" apparaît dans un bandeau sur l'avant de la tombe.
La tombe du commandant Elie Jean de Vassoigne (division 4). Commandant en chef de la 3e division d’infanterie de marine, il s’illustre à Beaumont puis à Bazeilles (près de Sedan), reprenant trois fois le village à l’ennemi et ne faisant sonner la retraite qu’après avoir fait brûler les dernières cartouches de ses hommes. L'épisode est immortalisé par le célèbre tableau d'Alphonse de Neuville Les dernières cartouches (1873).
La tombe du général Uhrich. (division 50). Commandant de la 6eme division militaire de Strasbourg, il incarne la courageuse défense de la capitale alsacienne. Après des semaines de bombardements intenses, il dut capituler le 20 septembre 1870. La tombe est surmontée du buste du général.
Le monument aux défenseurs de Belfort (division 54). Il rend hommage à la seule place forte que les Allemands ne réussirent pas à prendre, ni par les armes, ni par voie de capitulation. Le colonel Denfer-Rochereau (dont le buste surmonte le monument) qui commandait la place dû céder celle-ci le 18 février 1871, sur ordre de Paris, après 104 jours de siège. Cette résistance permit à la ville de rester française.
La tombe du sergent Hoff (division 4). Il est le héros du siège, une sorte de sniper de l'époque, redouté des Prussiens. Il fit de nombreuses victimes dans leurs rangs. Une statue honore sa mémoire devenue légendaire.
La tombe du chef de bataillon Ernest Baroche (division 4). Chef du 12e bataillon de la garde mobile de la Seine, il fut tué lors de la bataille du Bourget (28-30 octobre) immortalisée elle aussi par un tableau d'Alphonse de Neuville. Cette bataille eut lieu au moment où Bazaine capitulait à Metz. La double annonce de l'échec du Bourget, puis de la reddition de l'armée du Rhin (170 000 hommes faits prisonniers) provoqua une crise à Paris et une tentative de coup d'Etat le 31 octobre.
La tombe d'Anatole de la Forge (division 66). Elle est facilement repérable par la statue (oeuvre de Barrias) en pied qui la domine. Celle-ci rend hommage à un journaliste promu préfet de la Défense nationale après le 4 septembre 1870 (proclamation de la République) et qui s'illustra en repoussant une colonne prussienne venue pour s'emparer de la ville de Saint-Quentin (8 octobre 1870).
La tombe de Gustave Flourens (division 66). Connu comme homme politique rallié à la Commune et tué par les Versaillais le 3 avril 1871, il fut d'abord chef du bataillon de la garde nationale de Belleville et l'un des organisateurs de la tentative de coup d'Etat du 31 octobre 1870 contre le gouvernement de la Défense nationale.
La chapelle de la famille Detaille (division 66). "Ici reposent" le peintre et le prisonnier mort en captivité. Soldat au 8e régiment des mobiles de la Seine, Jean Baptiste Edouard Detaille est un des grands maîtres de la peinture militaire et principal illustrateur de la guerre de 1870. Son frère, Jean Baptiste Julien, de trois ans son cadet, s'engagea au 2e bataillon de chasseurs, participa aux combats sous Metz. Fait prisonnier, il fut déporté à Dresde où il meurt le 7 décembre 1870. Une plaque commémore cette triste fin. [voir Jean Baptiste Julien Detaille]
La tombe d'Auguste Jenny (division 69), commandant du 10eme baton des mobiles de la Seine, tué à la tête de son bataillon, le 21 octobre 1870 à Stains. [caveau familial]
La tombe de Jean-Joseph Chevalier (division 44). Simple lieutenant d'artillerie, blessé lors de la bataille de Champigny (30 novembre - 2 décembre), il meurt le 3 décembre à l'ambulance du Corps législatif. Immortalisée par le Panorama réalisé par Edouard Detaille et Alphonse de Neuville, la bataille de Champigny fut la principale tentative de sortie des forces françaises (sous le commandement du général Ducrot). La tombe est ornée d'une stèle avec un médaillon à l'effigie du défunt.
La tombe de Gaston et Albert Tissandier (division 27). Ils font partie des aérostiers qui se sont illustrés lors du siège de Paris. Gaston quitte la capitale le 30 septembre 1870 à bord de La Céleste ; Albert décolle le 14 octobre à bord du Jean Bart n° 1, avec Arthur Ranc et Victor Ferrand.
La tombe de Juliette Dodu (division 28). Elle est l'héroïne féminine de la guerre. Receveuse des postes à Pithiviers, elle aurait réussi à intercepter les dépêches allemandes et à les transmettre à l'état-major de l'armée de la Loire. Si l'histoire est sujette à caution, Juliette Dodu n'en est pas moins l'incarnation de la résistance civile à l'ennemi. [voir Juliette Dodu : histoire, mythe et mémoire]
La tombe d'Albert Jules Lemaire (division 23). La présence de cette sépulture dans la liste tient au fait que nous avons là l'exemple du simple soldat. L'histoire retient les noms des seuls acteurs de gestes remarquables. Elle oublie les autres qui n'en ont pas moins sacrifié leur vie. Albert Lemaire fut tué le 22 novembre 1870 près d’Orléans. Sur sa tombe difficile à localiser, la famille fit porter cette seule inscription : « Sainte victime de la guerre de Prusse » (épitaphe devenue illisible). On peut lui préferer la tombe d'Ernest-Léon Saint-Denis (division 10), « tué au combat du Bourget, le 21 octobre 1870 » (chapelle chemin du Père éternel). Mais cette sépulture, aussi, est difficile à trouver.
Les Amis et Passionnés du Père Lachaise signalent encore six autres soldats tombés en 1870-1871 enterrés au cimetière :
- BRAYER Michel Philippe (1813-1870) - Division 28
- CHEVALIER Jean Joseph Philippe (1847-1870) - Division 44
- DESCHESNES Charles Félix (1824-1870) - Division 28
- LAMBERT Gustave (1824-1871) - Division 62
- PERRELLI DE PALERME Gennaro (1835-1871) - Division 56
- SAINT DENIS Ernest Léon de (x-1870) - Division 10
Ils signalent encore 14 noms de combattants décédés ultérieurement :
- ARQUE Paul (1837-1893) - Division 62
- BILLEBAULT Pierre Charles Alphonse, comte du CHAFFAULT (1825-1895) - Division 01
- CADET DE GASSICOURT Charles Jules Ernest (1826-1900) - Division 39
- DALMAS Théobald, comte de LAPEROUSE (1814-1899) - Division 19
- JOCHELSON de ROSSIENY Marc (1845-1894) - Division 95
- JOFFRIN Jules (1846-1890) - Division 95
- LE SENNE Charles Etienne (1848-1901) - Division 62
- MANVILLE BIANCHI Alexandre Louis François BLANC de MANVILLE, marquis de (1846-1878) - Division 06
- MONARD Jules de (1838-1930) - Division 20
- NEGRIER François Oscar de (1839-1913) - Division 33
- OKOLOWICZ Auguste Xavier (1838-1891) - Division 79
- PICARD Louis Joseph Ernest (1821-1877) - Division 08
- POINAT Gabriel (1811-1879) - Division 46
- SCALARONE Eugène (1850-1931) - Division 44
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Source :
Le hasard de mes promenades et, surtout :
Bauer (Paul), Deux siècles d'histoire au Père Lachaise. Versailles, Mémoire et Documents, 2006.
Attention : Je suis l'auteur de quelques-unes des photos, pas de toutes. Ces dernières sont donc susceptibles d'être soumises à des droits d'auteur. Veillez à le vérifier.
Le plan en début de message est de ma création. C'est une réalisation incomplète, inachevée et (on voudra bien m'en excuser, n'ayant pas eu encore le temps de m'y employer) les emplacements précis ne sont pas tous arrêtés. Ce plan est offert à qui veut pour un usage personnel. Merci.