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Mémoire d'Histoire
14 juin 2018

LES PRISONNIERS OUBLIES DE NIDA (LITHUANIE)

monuments souvenirLes 11 et 12 mai 2015, Philippe Jeantaud, ambassadeur de France à Vilnius (Lithuanie), se rendait à Klaipėda à l’occasion d’une escale d’un bâtiment de la Marine nationale française (Le Pluvier) qui participait à l’effort de sécurisation de la région. Ce voyage fut l'occasion pour lui de déposer une gerbe au pied du monument érigé dans la région à la mémoire des prisonniers de guerre français morts en oeuvrant à la construction du Canal Guillaume 1er

Entre 1871 et 1873, 690 prisonniers de la guerre de 1870 internés au camp de Nida furent en effet réquisitionnés pour participer à la phase terminale du König-Wilhem-Kanal. Le projet visait à relier la rivière Minija au port de Memel/Klaipéda (la région était alors colankupiai drevernantrôlée par les Prussiens). Un premier tronçon de huit kimomètres entre Lankupiai et Dreverna avait été réalisé en 1863-1865. Il restait à creuser une seconde bande de quinze kilomètres entre Dreverna et la baie de Malki, au sud de Klaipéda. Inauguré le 17 septembre 1873, le tracé total du canal faisait vingt-trois kimomètres de long sur une largeur de quinze à vingt mètres et une profondeur d'un mètre soixante.

Tracé du canal entre Dreverna et KlaipédaRecreusé en 1902-1904, le canal put s'ouvrir au trafic des bateaux à vapeur. Une écluse contrôlait le niveau de l'eau avec la Minija. Rebaptisé Klaipédos Kanalos, le canal existe toujours. Mais l'histoire des prisonniers français de 1870 ne s'arrête pas là. Beaucoup sont morts durant le chantier. Leur sort n'avait toutefois rien à envier à celui de leurs camarades restés au camp de Nida d'où ils venaient. Selon Johannes Sembritzki, 12 000 hommes y étaient internés et occupés à reboiser les dunes, sans doute pour mieux en consolider l'assise. Chaleurs étouffantes, épuisement et maladies liées à la mauvaise qualité de l'eau les faisaient tomber "comme des mouches" (sic). Gilles Dutertre qui rapporte ces précisions écrit : "ils furent enterrés dans un cimetière du camp et des tombes seraient encore enfouies sous le sable. On peut, parait-il, parfois apercevoir, au gré des déplacements de sable dus au vent, des restes de croix, voire des ossements" (p. 137).

D'après Jurgis Bucas (auteur d'un livre sur La flèche de Courlande paru en 2001), nombre des prisonniers de Nida furent ensevelis sous le sable. "L'endroit le plus beau et le plus calme du monde a été transformé en véritable enfer. Cet endroit s'appelle maintenant la vallée de la mort ». 

Mirties-slėnis tombe

Qu'en est-il vraiment ? toutes les croix aujourd'hui visibles sur les dunes de Parnidzio Kopa sont-elles vraiment la marque d'une sépulture ? En 2015, Philippe Janteaud fit part aux autorités lithuaniennes de son intérêt et celui de la France pour le sujet. La municipalité de Neringa l'assura aussitôt qu'elle ferait le nécessaire pour répondre à sa curiosité. Algimantas Vyšniauskas, directeur administratif de la municipalité, reconnaissait cependant qu'aucune recherche archéologique et historique n'avait encore été entreprise pour localiser l'emplacement du camp. Cette lacune pourrait être prochainement levée. En février 2018, la presse lithuanienne annonçait que des ""recherches scientifiques sérieuses" allaient être entreprises. Affaire à suivre, donc.

recherches annoncées

Délégation de l'ambassade de France en visite dans la Mierties Slénis ; annonce d'une campagne de recherche (2018)

PS : Selon Johannes Sembritzki, la vallée du silence (Tylos Slénis), devenue vallée de la mort (Mierties Slénis) ou "Sahara lithuanien", aurait été choisie par les Prussiens en représailles contre la France accusée par eux de retenir des prisonniers allemands dans le Sahara algérien. Un panneau rappelait ce fait en haut de la dune de Parnidis, en 1902. La réalité et les modalités de cet internement sont aussi à vérifier.

[Mise à jour du 29 août 2018]

Dans le récit de ses souvenirs de guerre et de captivité, le R.P. de Damas consacre quelques paragraphes à sa visite du camp de Memel. Il y fait allusion au travail des prisonniers sur le chantier du canal. En un paragraphe, il décrit le camp de Mémel tel qu'il a pu le voir lors de la visite qu'il put en faire. Il y décompte 500 prisonniers français. Toutefois, Damas n'a manifestement pas eu connaissance des conditions de vie et de travail des hommes utilisés pour finir le canal Guillaume.

Damas, p

 

Sourcanal guillaume 1erces :

Damas (R. P. Amédée de), Souvenirs de guerre et de captivité (France et Prusse), Paris, G. Téqui, 1874 ; pages 266-268.

Dutertre (Gilles), Les Français dans l’histoire de la Lituanie (1009-2009). Paris, L’Harmattan, 2009 ; p. 136-137.

Nikitenka (Denisas), Mirties slėnio paslaptys sudomino Prancūziją, [Les mystères de la Vallée de la Mort ont attiré la France] Bakaru ekspresas, 8 octobre 2015.

Nikitenka (Denisas), Mirties slėnis sulauks archeologų desanto, Bakaru ekspresas, 20 février 2018.

Sembretzki (Johannes), Memel Im Neunzehnten Jahrhundert: Der Geschichte Memels Zweiter Theil (1902).

Žygintas (Viršilas), Karaliaus Vilhelmo kanalas (Klaipėdos kanalas), Bakaru ekspresas, 4 mai 2018.

 

Images :

Parnidis dune (also known as "The Lithuanian Sahara").

parnadzio kopa, croix 2

 

 

 

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Commentaires
J
Les prisonniers de la guerre franco-prussienne de 1870 ne devaient pas être les derniers à Klaipéda. Mon grand-père, soldat au 1er régiment d'infanterie territoriale, fait prisonnier à Maubeuge en septembre 1914, a fini sa captivité en Lithuanie et n'est revenu en France qu'en février 1919. Que sait-on de ces prisonniers de 1914-1918 ?
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