LES FRANCAIS EN GUERRES (François COCHET)
Dans ce livre, François Cochet se penche sur les hommes, dirigeants ou simples exécutants, pour « mesurer le degré d’adhésion aux conflits auxquels la France a pu participer » de 1870 à nos jours.
Cette synthèse de 540 pages a le mérite de lier la guerre franco-prussienne (1870-1871) à celles du XXe siècle, de mettre ainsi en perspective l’ensemble des guerres « modernes » sans ignorer celle qui, avec la guerre de Sécession, est considérée comme l'une des premières d'entre elles.
Une fois n'est pas coutume, la guerre de 1870 ne sert pas de prétexte. La date choisie pour entrer dans le sujet n'est pas de simple convention liée à l'histoire politique de la France. Le conflit franco-prussien tient ici sa juste place. Dans les trois parties du texte qui couvrent les deux guerres mondiales, celles de décolonisation ou les interventions militaires d'aujourd'hui, il occupe une soixantaine de pages, soit 11% du total.
Au sommaire, ces pages se distribuent ainsi :
Partie I/ Qui combat ? : chapitre 1. Les avatars de 1870 (p.17-38)
Partie II/ Pour quoi les Français se battent-ils ? : chapitre 4. 1870 Les discours légitimant de 1870 et de la Commune (107-118)
Partie III/ Les visages du combat, chapitre 8. 1870, le grand ancêtre (p. 221-256)
En 1ère partie, François Cochet soulève une question clé pour les spécialistes de la guerre franco-prussienne : "comment les Français ont-ils été amenés à élargir leurs modalités de recrutement des soldats et à contenir l’offensive qui tourne rapidement en invasion ?" Comment s’adaptent-ils (ou pas), comment passent-ils de la guerre traditionnelle à la moderne ? La défaite de 1871 s’inscrit dans leur incapacité à faire face.
En 2eme partie, l'auteur nous conduit davantage dans l'analyse des perceptions : comment les Français vivent-ils la déclaration de guerre, puis ses différentes facettes ? Il s'appuie sur de nombreux témoignages pour montrer la variation des réactions et proposer ainsi des clés bien utiles pour comprendre les résultats de l'Année terrible. Au-delà, il jette un pont vers 1914, montrant comment l'expérience de la guerre (déjà partiellement "totale") a pu justifier le pacifisme de quelques-uns, mais surtout le discours sur la nécessaire conquête coloniale (objet d'autres chapitres) ou celui de la Revanche.
En 3eme partie, François Cochet montre comment en termes de matériel, type d'opération, logistique, rôle des forces irrégulières...etc., la guerre de 1870 se situe entre tradition et modernité. Mais il ne limite pas son propos à ce constat. Il s'emploie, une fois encore, à mettre 1870 en perspective et s'efforce d'expliquer comment la modernité qui pointe dans le conflit franco-prussien annonce celle de la Grande guerre. L'un de ses sous-titres de partie l'exprime clairement : "Mitrailleuses, tranchées, puissance de feu et rôle de l'artillerie. (Presque) tout 1914 dans 1870". Le lien est ainsi fait entre les deux conflits, l'évolution des "Français en guerres" posée pour cette séquence.
"Au final la guerre de 1870 est extraordinairement pédagogique en termes militaires" écrit François Cochet. On ne saurait mieux dire.
Petite citation en guise de résumé concernant la guerre de 1870 (page 221) : « La période de la guerre franco-prussienne et de la Commune est sans doute celle qui, parmi les guerres de la période contemporaine, marque le plus ouvertement le basculement entre le XIXe siècle et un précoce XXe siècle, en termes de représentations mentales de la bataille. Dans ses différentes phases, la guerre de 1870 connaît de multiples aspect du combat. Aux affrontements traditionnels en rase campagne, elle ajoute le terrible combat urbain […] Elle voit aussi le recours à des troupes irrégulières, qui confèrent une dimension sinon nouvelle, du moins déconcertante pour les troupes allemandes qui les combattent. Pour toutes ces raisons, la morphologie de la bataille dans ses versions de 1870 et 1871 revêt une dimension matricielle ».