CAMPS DE WAHNER HEIDE A KOLN
Les défaites de Sedan (70 à 80 000 hommes) et de Metz (170 000) en l'espace de deux mois (début septembre - fin octobre 1870) laissent aux mains des vainqueurs une masse impressionnante autant qu'imprévue de prisonniers (jusqu'à 400 000 en tout selon M. Botzenhart). Ceux-ci sont dispersés sur l'ensemble du territoire allemand, dans des camps souvent improvisés (environ 200 sites). Tel est le cas de Wahner Heide à Cologne (Köln). Quelques photos conservées par AKG-images en témoignent. Ce sont d'intéressantes sources pour se faire une idée des conditions d'internement. Confrontées à d'autres images présentées ailleurs sur ce blog (in le camps de Polen et Souvenirs de captivité) elles permettent une série d'observations récurrentes :
1. La manière dont Français et Allemands peuvent poser ensemble pour immortaliser la situation témoigne de relations relativement apaisées entre les prisonniers et leurs geôliers, ce que ne confirment pas toujours les premiers dans leurs carnets ou souvenirs de guerre (ce qui se comprend aisément). Rien à voir, en tous cas, avec les photographies des camps de la Grande Guerre ou de la seconde guerre mondiale.
2. La précarité des conditions d'internement est nette. Les prisonniers logent sous des tentes militaires et dorment sur des litières de paille. Dans le cadre de l'hiver allemand, pour des hommes qui n'ont souvent pour se vêtir que l'uniforme qu'ils avaient au moment de leur reddition (pendant l'été ou à l'automne), l'exposition au froid est souvent mortelle. la cuisine est elle-même une installation de campagne, à ciel ouvert.
3. Les Allemands montrent beaucoup d'intérêt pour les unités de Turcos. Ils sont curieux des soldats coloniaux et les photos figurants ces derniers sont proportionnellement plus nombreuses que ce qu'ils représentent réellement. Dans certaines régions de la Prusse orientale, les familles utilisaient l'image de ces hommes comme Pères fouettards pour les enfants peu sages ! [à suivre, prochain message : les études de prisonniers marocains par Ludwig Knaus]
4. Souvent affaiblis par la campagne et d'éventuelles blessures, soumis à de dures conditions de vie, beaucoup de prisonniers nécessitaient des soins. Le camp de Cologne avait son "lazaret", une sorte d'ambulance de campagne. Le nombre de morts en détention fut important (quelques 17 000 d'entre eux).
Les gardiens se faisaient eux aussi photographier.
Quelques référénces bibliographiques
Beaupré (Nicolas), Arrachés et déplacés : réfugiés politiques, prisonniers de guerre, déportés, 1789-1918, Clermond-Ferrant, Université Blaise Pascal, 2016.
Bendick (Rainer), "Les prisonniers de guerre français en Allemagne durant la guerre de 1870-1871" in Caucanas (Sylvie), Cazals (Rémy), Payen (Pascal), Les prisonniers de guerre dans l'histoire : contacts entre peuples et cultures. Toulouse, les Audois, 2003.
Botzenhart (Manfred), "Französische Kriegsgefangene in Deutschland 1870-1871", Sonderdruck aus Francia, Forschungen zur Westeuropäischen Geschichte, publié par l'Institut historique allemand, Paris, Vol. 21/3, 1994.
Cipolla (Yoann), Les captifs oubliés de 1870-1871. Expériences et mémoires des soldats français en Allemagne. Mémoire de master 2 (inédit), Université de Bourgogne, 2016-2017.
Lecaillon (Jean-François), La détentation des prisonniers française en Allemagne pendant la guerre franco-prussienne (1870-1871). Paris, 2004. Consultatble sur Mémoire d'histoire : Guerre de 1870.
Lecaillon (Jean-François), Guerre de 1870 et "mémoire des camps". Paris, 2004. (Site de l'auteur).
Vient de paraître :
Kramp, Mario, 1870/1871, Franzosen in Köln, die Vergessenen Gefangenen den Deutsch-Franzosischen Kriegs, Verlag Ralf Liebe, 2021.