SCENE DE GUERRE (Théodule RIBOT)
Un petit tour dans les archives du Metropolitan Museum of Art de New-York (MET) permet de découvrir ce beau dessin réalisé par Théodule Ribot (1823-1891), artiste peintre peu connu, défini comme réaliste.
Selon ses amis - parmi lesquels Fantin-Latour, Cazin, de Nittis, Monet, Bastien-Lepage, Gervex, Puvis de Chavanne, Carolus Duran... - Théodule Ribot était doué et il excellait dans tous les genres (dixit Louis de Fourcaud). Le salon de 1861 où il débute est pour lui un succès. Mais c'était un homme discret, qui vivait à l'écart du monde. La maladie qui l'affecte en 1879 n'arrangea rien en ce domaine.
La guerre de 1870 l'a aussi beaucoup atteint, semble-t-il. Louis de Fourcaud en témoigne, rapportant les propos que Ribot aurait tenu pour répondre à un ami qui (en 1880) lui recommandait de se ménager : « Eh ! mon ami, lui dit-il, si je ne dessinais pas, le mal me dompterait, et j’ai besoin de vivre encore. Quand les Prussiens ont occupé Argenteuil, ils ont coupé en morceau, à coups de sabre, les études et les tableaux que je gardais pour l’héritage de mes enfants. Tout y a passé, même une Descente de croix presque achevée et dont j’espérais plus que vous ne sauriez croire, même mon tableau des Rétameurs que tout le monde s’accordait à louer… Je n’ai pas encore comblé ce vide. Voyons ! Est-ce que je peux mourir sans avoir assuré l’avenir des miens ? Non, n’est-ce pas ? Je vous assure que ce n’est pas fait de moi… J’ai encore quelque chose à faire… ». Des oeuvres détruites, donc. Sauf deux dessins qui nous sont parvenus.
Intitulé "scène de guerre", celui présenté à l'entame de ce message est daté de 1870-1872. En l'état rien ne permet de dire qu'il est inspiré par le conflit franco-prussien. La date permet toutefois de le présumer ; le fait aussi qu'à l'époque Ribot vivait à Argenteuil, sous occupation prussienne. La destruction du pont donna lieu à des frictions entre Prussiens et habitants de la ville. Le titre et les maisons en feu de l'arrière plan plaident aussi en faveur de l'hypothèse. Le second dessin est (à mes yeux) moins beau. C'est une estampe réalisée à la même date intitulée Le village en feu (la reproduction en est conservée à la BNF). Il figure une femme vêtue de noir qui occupe toute la moitiée gauche du dessin et qui regarde (vers le bas à droite) le paysage masqué par les flammes d'une localité non identifiable. On y reconnaît seulement la silhouette d'une église qui pourrait être Saint-Denys d'Argenteuil vue de face, église construite par Théodore Ballu entre 1862 et 1865 dans un style néo-roman. Mais rien ne permet de l'affirmer.
Sources :
Fourcaud (Louis de), Théodule Ribot, sa vie et ses œuvres, 1885. Disponible à la BNF en format microfilm.
Théodule Ribot, article wikipédia
Office du tourisme d'Argenteuil, Les sites remarquables, Mairie d'Argenteuil
En 1870, Corot peint Argenteuil et son église