UNE FEMME PEINTRE FACE A L'INVASION : MARIE ADRIEN LAVIEILLE (Née Marie PETIT)
Née en 1852, Marie Petit n'avait que 18 ans quand la guerre de 1870 éclata, mais déjà du talent. Son autoportrait réalisé cette année là, avant que les Prussiens ne l'enferment avec les Parisiens dans la capitale, en donne une idée. Fille du décorateur Jean-Jacques Petit, elle vit intensément le conflit franco-prussien. Françoise Cambon et Henri Cambon l'assurent sur la foi d'un poème intitulé "Appel aux femmes" qu'elle recopie dans un petit "carnet personnel datant de 1868-1870". Le poème pourrait être attribué à Hyppolite Cogniard dont Marie associe le nom au texte (information fournie hors publication par Henri Cambon).
Ce texte témoigne des sentiments patriotiques de la jeune fille. Il est surtout le parfait reflet de ce que la bonne société française attend des femmes face à la guerre : encourager et soutenir le moral des combattants, tenir leur rang au foyer malgré l'absence des appelés, soigner les blessés. Marie suit-elle ce programme ? A-t-elle fait de la charpie, visité les très nombreuses ambulances de la capitale, pansé les blessés, quêté pour réunir les fonds nécessaires à la fonte des canons, à la production des cartouches ou aux besoins des plus déshérités ? Le "carnet personnel" ne le précise pas.
Marie, surtout, ne peint ni ne dessine pendant cette période du siège. Les conditions de vie ne le lui permettent sans doute pas. Non seulement, il est difficile de trouver toiles, outils et pigments dans la capitale coupée du monde, mais les préoccupations du moment ne lui en laissent sûrement pas le temps. A l'instar d'une Perrine Viger, épouse du peintre Hector Viger et artiste elle-même déjà accomplie, cette orpheline de mère est probablement trop occupée par les questions d'approvisionnement pour pouvoir s'adonner à sa passion artistique.
Cataloguée "portraitiste et peintre intimiste", Marie n'est pas non plus portée par goût à dessiner la guerre et ses méfaits. Le blocus levé, elle trouve toutefois le temps de réaliser quelques croquis, témoignages des destructions causées par la guerre (maisons en ruines à Garches, mars 1871) et des événements de la Commune (silhouettes de soldats de Versailles, dessin de la barricade de la rue Lepic, située à deux pas de son domicile).
Attention : les photos des dessins sont tirées du livre de Françoise Cambon et Henri Cambon. Toute reproduction à des fins commerciales est interdite.
En 1878, Marie épouse Adrien Lavieille, artiste peintre lui-même, enrôlé dans la Garde nationale de la Seine (79e bataillon) pendant la guerre. On ne lui connaît aucune représentation de cette expérience. Une explication simple est donnée par ses biographes : "en matière de peinture, il ne s'intéressait qu'aux paysages".
Curiosité : Marie fut l'élève de Joseph Blanc, resté à Rome pendant la guerre et qui réalisa L'invasion en 1873, un tableau qui fait écho au poème recopié par la jeune femme quand il compare le Paris de 1870 à la Rome antique. Blanc pensait-il à la guerre de 1870 en réalisant cette oeuvre ? Difficile de répondre !
Mes remerciements à Henri Cambon qui a bien voulu répondre à mes questions, me faire d'utiles recommandations et mettre à ma disposition les photos des dessins de Marie Petit.
Sources :
Cambon (Françoise et Henri), Adrien Lavieille (1848-1920), peintre de la campagne. Atlantica Editions, 2008.
Cambon (Françoise et Henri), Marie Adrien Lavieille (1852-1911). Une époque vue par une femme peintre. Atlantica Editions, 2009.
Sérié (Pierre), Joseph Blanc (1846-1904), peintre d'histoire et décorateur. RMN, Paris, 2008.
Wikipédia : articles Adrien Lavieille et Marie Adrien Lavieille.
Blogs dédiés : Adrien Lavieille et Marie Adrien Lavieille.