PHOTOS DE METZ EN 1870
Photographier la guerre en 1870 n'est pas tâche facile. "L’exécution d’un panorama, en 1870, demeure encore une aventure photographique nécessitant des mois de réalisation" écrit Valérie Metz (voir sources ci-dessous, in Louis (2005), p. 14). A l'époque, l'outil n'est pas adapté à cette fin. Comme pour la guerre de Sécession ou la Commune de Paris, les photographes du moment s'y emploient pourtant. La longue attente dans Metz assiégé inspire les artistes locaux. Dans un album titré "Guerre de 1870 et l'annexion de Metz", la bibliothèque-Médiathèque de Metz (alias Miss Média) diffuse sur Flickr une belle série de clichés.
On y découvre d'abord de nombreuses photographies attribuées aux frères Prillot. Quatorze sont réalisées sur quelques sites importants des défenses françaises de la place de Metz (Chambière, Queuleu, le Ban Saint-Martin, le fort de Bellecroix, Vallières, la caserne du génie...). Ces photos sont présentées comme datant du siège de 1870. Pour autant, elles ne peuvent pas être attribuées aux frères Prillot dont l'ainé (Auguste) n'avait pas dix ans à cette date et le second (Henri) huit ans. A des fins patriotiques, ils n'en ont été que les diffuseurs, s'employant à publier toutes images susceptibles d'entretenir le souvenir de la France.
Dans la plaquette du musée de la guerre de 1870 et de l'annexion (Gravelotte), l'une de ces photos (Le camp français près de Vallières) est attribuée aux frères Collet (p. 43). Or, Henri Prillot s'installa en 1892 dans l'atelier d'un autre photographe messin, Eugène Malardot, "où s'étaient précisément succédés J-P. Delaplace (1875-1882) et les frères Collet (1874-1891)" (selon Dominik et Michel Prillot, in Louis (2005) p. 18) . Ainsi, l'atelier Malardot est-il passé de main en main et on peut imaginer (l'information reste à vérifier) qu'une partie du fonds photographique y resta attaché. Les attributions (Prillot ou Collet donné par la médiathèque de Metz) renvoient donc plus aux propriétaires et diffuseurs des photos qu'aux photographes eux-mêmes. Qui, alors, réalisa les quatorze clichés attribués aux frères Prillot ? Delaplace, les frères Collet, les frères Bourens (autre fratrie de photographes messins installés dès 1860) ou Malardot lui-même ?
L'album de Miss Média, justement, présente aussi une quarantaine de clichés attribués à Eugène-Gonzalve Malardot. Peintre, graveur et photographe né à Metz en 1832, celui-ci y est décédé en 1871. Durant le siège, il fit un énorme travail de couverture photo, des prises de vues qui "forment avec la Panorama de devant le Pont et la campagne photographique des destructions un corpus homogène et rare de ce conflit" (Valérie Metz, in Louis (2005), p. 14). Nombre d'entre elles sont des reproductions diffusées au format cartes postales. Elles furent ainsi distribuées par les frères Prillot, Emile-Octave tout particulièrement. Initié par son aîné à la photographie, celui-ci utilisait ses photos pour entretenir dans la cité annexée le souvenir de la patrie française. Dans la préface qu'il rédige pour Metz, monuments et pittoresque Roger Clément le souligne : "tantôt c’était des photographies des cérémonies patriotiques, tantôt des portraits de Messins devenus des célébrités françaises ; ou bien sous couvert d’archéologie et d’histoire on voyait réapparaître des reproductions de clichés de 1870 ou plus anciens encore (…) Les vieux Messins s’attardèrent avec dévotion devant ces étalages, discrets autels dressés à la Patrie absente mais inoubliée, où était ranimée sans cesse la flamme du Souvenir." (Cité par D et M Prillot, in Louis (2005), p.20) La diffusion des photos réalisées par Malardot participait de ce travail de mémoire. Notons au passage que les frères Prillot étaient membres du Souvenir français.
La plupart des clichés relatifs au siège de 1870 mis en ligne par la médiathèque du Pontiffroy (Metz) sont donc probablement des oeuvres de Malardot. Au total, ce sont plus de cinquante vues de Metz et Thionville en 1870 qui nous sont proposées. Une belle collection qui permet de voir quelques sites marquant de la guerre au moment de celle-ci (le fort de Plappeville, la ferme de Moscou, la ferme de Saint-Hubert à Gravelotte, Sainte-Barbe, l'Esplanade dans Metz...) ou encore les tombes de soldats (prussiens) tombés lors des batailles sous Metz (18 août).
Sources :
Bibliothèque-Médiatèque de Metz (Miss Media), "Guerre de 1870 et annexion de Metz", sur Flickr.
Conseil départemental de la Moselle, Musée départemental de la guerre de 1870 et de l'annexion, Serge Domini Editeur, 2015.
Jaeger (Alain), "Eugène-Gonzalvé Malardot", Photographes messins. site.
Lestang (Hervé), "Jean-Pierre Delaplace", Des photographes en France, site portrait sepia.
Louis (Pierre), Dans l’objectif des frères Prillot. Photographies de Metz (1892-1935). Bibliothèque-médiatèque de Metz, Metz, 2005.
Prillot (Dominik), "Les frères Prillot", Metz d'avant, 2008.