LES INSTITUTEURS DE L'AISNE
Pendant l'hiver 1870-1871, trois instituteurs de l'Aisne (Jules Debordeaux, Louis Poulette et Jules Leroy) furent exécutés par les Prussiens en représailles à des attaques de francs-tireurs perpétrées contre leurs forces d'occupation.
Dès le 20 août 1872, une plaque commémorative fut apposée dans la cour de l'École normale d'instituteurs, rue Clerjot à Laon. En 1881, cette plaque fut transférée dans la nouvelle École normale d'instituteurs, inaugurée la même année, avenue de la République. Dans le contexte du revanchisme et du nationalisme qui marque la fin du XIXe siècle en France, ces trois figures de "la résistance" justifièrent aux yeux des contemporains la décision d'ériger un monument plus remarquable. Celui-ci fut inauguré le 20 août 1899. En soi, cet hommage est une information intéressante sur l'usage que le pouvoir peut faire de la mémoire.
Mais ces trois hommes : héros ou victimes ?
En 2012, dans les colonnes de la revue Histoire de l'Education, Jean-François Chanet et Guillaume Parisot expliquent comment ces trois hommes sont devenus des héros bien "malgré eux". L'analyse est d'autant plus intéressante que chaque cas illustre des situations distinctes : "le combattant trahi", "l'otage exécuté" et "l'innocent condamné". Comment sont-ils fondus en une seule et même image est un processus qui mérite le détour.
Mais, au-delà des faits de guerre, les auteurs proposent une analyse sur la construction de la mémoire et les "transformations d'un mythe éducatif" entre 1870 et 1929. Ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'opinion publique en France pendant cet entre-deux-guerres franco-allemande et à l'impact qu'elle put avoir sur le "consentement" ou non à la Grande Guerre trouveront de quoi nourrir leurs réflexions. Mais, à l'heure où les programmes de Terminales générales proposent aux élèves de réfléchir sur l'expression et confrontation des mémoires (de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d'Algérie) d'une part, sur la relation des "médias et des opinions publiques" d'autre part (pour les L et SES), les enseignants du secondaire non specialistes de la période trouveront de quoi illustrer leurs cours hors des sentiers battus de l'éducation nationale ! :)
Sources :
Jean-François Chanet et Guillaume Parisot, "Les trois instituteurs de l’Aisne, héros ou victimes de la guerre ? Construction et transformations d’un mythe éducatif (1870-1929)", Revue Histoire de l'Education, n°135, p. 25-65, 2012.
Conseil municipal de Pommiers, Le monument des instituteurs.