CORRESPONDANCE FOUQUE - LE COEUR

En août 1870, Ferdinand Fouqué, vulcanologue, futur membre de l'Institut, conduit sa femme et ses enfants à Mortain, chez ses parents, pour les mettre à l'abri de l'invasion prussienne. Il revient à Paris dès le 4 septembre pour prêter main forte à la défense et ne retrouvera sa famille que peu avant le soulèvement de la Commune. Il résulte de cette séparation une correspondance entre lui, sa belle-soeur et sa femme, qui nous introduit au sein d'une famille originale et nous fait revivre le siège de Paris au jour le jour.

Un témoignage qui vient enrichir avantageusement les sources du genre sur la guerre de 1870 et le siège de Paris en particulier. Réalisatrice d'un gros travail de recherche et de mise en valeur de sa documentation, Claire Tissot met à la disposition du public et des chercheurs un corpus de lettres particulièrement intéressant.

Premier intérêt la densité de la correspondance, quasi quotidienne, écrite au rythme d'un journal intime, mais offrant au lecteur un dialogue à plusieurs voix et non celle sans écho d'un mémorialiste.

Autre qualité : Claire Tissot ne coupe pas les textes pour en extraire ce qu'ils peuvent avoir de plus intime ou privé. Ce n'est pas une procédure si rare et unique. Il faut toutefois soutenir ce choix (et en féliciter les éditions de l'Harmattan). Si les passages très privés alourdissent la publication en poids, elles l'enrichissent en contenu. Car c'est souvent dans les petites préoccupations du quotidien que peut se lire une histoire sociale et culturelle qu'édulcore les journaux intimes et correspondances réduits à commentaires des nouvelles politiques et militaires. S'il est toujours intéressant de savoir comment les événements nationaux ou internationaux sont perçus par les contemporains,il ne l'est pas moins de savoir comment leurs réactions s'inscrivent dans leur vécu ordinaire.

Autre intérêt du document : la personnalité de la famille. Les Fouqué - Le Coeur appartiennent à une classe aisée et bien apparentée : Charles Le Coeur est un architecte célèbre ; son frère Jules est peintre, ami de Renoir et Sisley. Pour l'historien qui s'est penché sur le rapport que les impressionnistes ont entretenu avec la guerre de 1870 (voir prochaine publication aux éditions Giovanangeli), cette particularité mérite l'attention. Dans la famille Fouqué - Le Coeur demandez Louise, un personnage qui mérite une citation - voire plus encore - dans toute étude sur le rôle des femmes dans la guerre de 1870 : comme chef d'entreprise mettant son activité au service de la Défense nationale, organisatrice d'une ambulance et principale responsable du ravitaillement familial, elle cumule avantageusement les casquettes !

L'ouvrage se découpe en trois parties : les lettres d'avant le 5 septembre ; celles du siège ; celles écrites pendant la période de la Commune. Chaque partie, donne lieu à de courtes présentations. Reproductions de dessins ou tableaux, arbres généalogiques et photos illustrent le tout. 

Un beau document.